lundi 17 novembre 2008

Ah les Galates, quelle embrouille !

C'est l'épître la plus personnelle et la plus polémique de saint Paul, celle dans laquelle, face aux habitants d'Antioche de Pisidie qu'il a enfantés à la foi et qui se laissent trop facilement séduire par d'autres interprétations de l'évangile du Christ, il apparaît comme... ce qu'il est. Saint Paul au naturel. Saint Paul à fleur de peau, avec moins d'éloquence que dans la IIème aux Corinthiens (où il grave dans le marbre son apologie), mais une telle proximité, et peut-être quelques excès de plume, inspirés par l'Esprit saint.

Le chapitre 2 nous narre ses problèmes avec sa hiérarchie (ceux qu'il appelle les colonnes de l'Eglise, Céphas d'abord, celui auquel le Christ a dit "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise", Jacques et aussi Jean (que l'on découvre ici pour la circonstance...)

Il faut absolument lire le chapitre 2 des Galates en parallèle avec le chapitre 15 des Actes des apôtres : le concile de Jérusalem. Les deux textes parlent de la même chose. Ils n'ont rien de commun.

D'un côté, quand on parle aux Galates, on nous évoque une simple entrevue. C'est que Paul, prudent, avait demandé à "rencontrer les notables séparément" (Gal. 2, 2). Pas question pour lui, "fût-ce par déférence" (trad. BJ), de renoncer à quoi que ce soit de son Evangile, celui que le Christ de Damas lui avait fait entendre. L'Eglise reçoit son dogme d'en haut, il lui est impossible d'y renoncer (Gal. 1, 8 : Si moi même ou si un ange du ciel... qu'il soit anathème). Il ne souhaita donc pas soumettre sa vérité à l'assemblée chrétienne et se contenta d'en parler à ceux qu'il appelle plusieurs fois avec une moue un tantinet provocante, "les notables".

Certes "Dieu ne fait pas acception de personne" martèle-t-il en citant le Deutéronome. "Notable" ou pas "notable", en soi peu importe ! Mais quand ces notables sont aussi... "les colonnes de l'Eglise", on ne peut pas... ne pas y avoir égard ! Ce serait "courir et avoir couru en vain" (Gal 2, 2) que de faire l'impasse sur leur approbation. Paul, inquiet des réactions du groupe de Jérusalem, la leur demande "séparément", cette approbation, en privé, en... lousdé ! Et c'est de cet entretien restreint dont il se prévaut auprès de ses Galates infidèles.

Mais en lisant les Actes des apôtres, écrites par Luc, dernier compagnon de Paul, à qui l'auteur des Actes aura certainement fait relire ses notes (cf. II Tim. : "Luc reste seul avec moi"), on a un tout autre son de cloche sur les événements.

D'abord on nous parle des pharisiens (chrétiens) qui sont inquiets et se plaignent. Ce sont les "faux frères" qu'évoquait Paul auprès des Galates. Faux frères ? Parce qu'ils refusent que Dieu soit le Père de tous sans discrimination (cf. post précédent).

Mais ensuite on évoque la puissance redoutable de Jacques, qui, en pratique va dicter ses conditions, en faisant approuver son discours : oui à des chrétiens venus du paganisme, mais il faut quatre conditions préalables : 1- qu'ils s'abstiennent de la porneia (traduisez ce terme comme vous voulez...), 2- des viandes offertes aux idoles, 3- du sang et 4- des viandes étouffées.

Pour Jacques, c'est sûr : il est interdit de manger un steak. Vive la viande bouillie ! Si nous étions restés "jacquistes" la chrétienté auraient sans doute fini par manger chinois, un peu de viande en fines lamelles et beaucoup de sauces au dix mille parfums. Jamais de sang.

Heureusement les décisions de ce premier concile pastoral ont fait long feu.

Je ne connais pas l'histoire de la cuisine romaine (un liseur pourra-t-il m'éclairer ?). Mais gageons qu'au bout de deux ou trois générations, les chrétiens se seront remis à manger des steaks comme tout le monde, ou du rôti de boeuf, avec sa sauce, le sang de la viande ! Quant à la viande offerte aux idoles (une des conditions préalables de Jacques, entérinée par le premier concile sous la formule majestueuse : "Il a plu au Saint Esprit et à nous que vous vous en absteniez"), saint Paul lui-même au chapitre 6 de la Ière aux Corinthiens nous fournit un bel exemple d'herméneutique post conciliaire, lorsqu'il explique à ses paroissiens que sur ce sujet "tout est permis" même si "tout n'est pas avantageux". J'allais dire : en écrivant cette subtile interprétation du concile de Jérusalem, il avait compris Benoît XVI avec 2000 ans d'avance.

A destination d'Antioche, Paul fut porteur de la lettre contenant les décisions du Concile, nous explique Luc à la fin du chapitre 15. Mais personnellement, il a refusé de rentrer dans le jeu complexe et inutile des interdits alimentaires. Magistère infaillible ordinaire ou extraordinaire qu'importe ! Pour lui, manifestement, il n'y avait pas matière !

Il s'en est toujours tenu à son entretien privé avec les colonnes de l'Eglise, entretien au terme duquel on ne lui prescrivait qu'une chose : trouver de l'argent pour les pauvres de terre sainte ; une année sabbatique (jachère obligatoire tous les sept ans) les avait réduit à la misère. L'une des grandes activités de Paul, qui ainsi achète la paix de l'Eglise et trace son avenir, sera de faire la quête pour Jérusalem. Lydie la marchande de pourpre de Philippes et beaucoup d'autres allaient cracher au bassinet et subvenir aux besoins des fidèles de Jérusalem les plus pauvres.

C'est pourtant à Jérusalem que saint Paul sera dénoncé et arrêté... Lui en a-t-on voulu de son herméneutique conciliaire sonnante et trébuchante ? Sans doute. Allez savoir après 2000 ans...

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