lundi 8 novembre 2010

Réponse à Henry que je ne connais pas sur la foi humaine...

Merci de ces deux précisions (voir commentaires au post précédent). Elles me sont très utiles.

Je disais pour faire vite que la foi humaine est un cercle carré dans le contexte où l'on oblige des religieuses au nom de leur foi à signer un Formulaire dans lequel elles doivent non seulement condamner des erreurs mais se prononcer sur le fait : se trouvent-elles ou non dans Jansenius. L'immense majorité des Port-royalistes, le grand Arnauld en tête, distingue le droit et le fait. Je n'ai vu qu'un certain Guillaume Leroy qui refusait cette distinction et défendait les cinq propositions comme augustiniennes, malgré les condamnations romaines réitérées. Au nom de quoi peut-on obliger des religieuses ignorantes à signer ? Péréfixe n'est pas un aigle, tout le monde le dit. Il popose cette distinction de la foi divine pour le fond de la condamnation (par exemple : cinquième proposition : le Christ est vraiment mort pour tous les hommes) et la foi "seulement humaine" pour le fait de savoir si ces propositions condamnées se trouvent ou non dans les 1300 pages de l'ouvrages de Jansenius. Arnauld et Nicole firent un Opuscule sur la foi humaine en montrant en substance que si les évêques en sont à rendre obligatoire (au nom de la foi humaine) leurs opinions théologiques, l'Eglise n'en finira plus de se diviser. Quand on réfléchit posément à la crise post-conciliaire, on a comme ça des tas d'évêques qui, au nom de leur presbyterium ou des traditions de leurs diocèses, rendent obligatoire ce qui devrait être facultatif. Le concept de foi ecclésiastique est plus tardif... et pas de foi... Notre foi, la seule, la vraie, la salutaire, on l'appelle dans les textes "la foi divine et catholique". Admirable précision des adjectifs ! Si nous sommes obligés de croire, si nous offrons l'obsequium intellectus, l'offrande de notre esprit comme dit saint Paul à cette foi, c'est uniquement parce qu'elle est divine. Toute autre raison serait une faiblesse. Faiblesse de croire comme soupirait Michel de Certeau. Croire c'est croire en la Parole de Dieu, rien de plus rien de moins. Croire vraiment, c'est toujours croire de foi divine.

Quant à la foi humaine, c'est un concept philosophique (voyez la fin de la Logique de Port Royal par exemple): je ne suis jamais allé sur la lune, mais je crois de foi humaine ce que l'on me rapporte sur l'apesanteur qui y règne et je n'imagine pas (comme certains allumés) que les images de la fusée Apollo et du débarquement sur la lune sont "made in Hollywood". Il est très important de cultiver un minimum de foi humaine, ne serait-ce que pour garder la raison...

[...]

3 commentaires:

  1. Reste
    a) qu'il y a des masses d'images fabriquées par les médiats et les propagandes (la "pujadasmania" ne date pas de l'histrion du moment)..depuis la "liberté d'expression", il faut bien tenir la masse sous la coupe. Et je ne sais à quoi le "minimum " de foi humaine doit se résumer pour ne pas tomber dans une crédulité effrayante!
    b) entre le Credo et le catéchisme de l'Eglise catholique...puis le corpus des écrits des derniers papes, et tout le vaste Magistère, il y a un écart immense..Où trouver l'expression de la " foi divine" ?
    Lisez les homélies de l'équipe de Verlinde sur prier.be, les commentaires de DOm Delatte sur le nouveau testament, la Chaine d'or de St Thomas, les sermons de St Nicolas,..... si vous vous y retrouvez, c'est que vous avez vraiment reçu des grâces de choix !

    J'ai cherché 40 ans à "devenir un saint"( la "seule aventure")...j'ai découvert que c'était cela, la " sanctification" (affaire de sacristie, croyais-je!) après 30 ans d'errances...Mais maintenant, entre les diverses "religions catholiques" que j'ai traversées et ce que je découvre, je ne vois vraiment pas comment faire le départ entre la foi humaine et la foi divine ...
    D'accord, on m'a bidouillé des "images de la foi"( plus fausses que celles des médiats pour l'histoire)...et par foi humaine( crédulité) j'y ai adhéré...
    Mais qui DIT et PROPOSE UN MODE DE VIE,AUJOURD'HUI, qui soit selon le Coeur de Dieu ??? je n'entends rien (et le peu que je dis est loin de mon "expérience"!!!)...

    A.S. aphasique Sourd

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  2. Cher Monsieur l'Abbé,

    l'archevêque Péréfixe, dans son ordonnance du 7 juin 1664, écrit que les constitutions des papes et le formulaire contre Jansénius n'exigent pas "une soumission de foi divine pour ce qui regarde le fait" mais seulement
    "une foi humaine et ecclésiastique qui oblige à soumettre avec sincérité son jugement à celui des supérieurs légitimes".

    Il s'agit bien de la première attestation connue du concept de "foi ecclésiastique". Voyez Marin-Sola, L’Evolution homogène du dogme catholique, t. I, p. 412, lequel juge du reste sévèrement ce qu'il appelle "un opportunisme apologétique".

    Le but de l'archevêque était indiscutablement de faciliter la signature. Comme tous ceux qui s'essaient à des solutions moyennes, il a été attaqué des deux côtés, par les jansénistes qui ont fait valoir que, si cette foi ecclésiastique était humaine, elle était faillible, et par tous ceux, de Fénelon au P. Guérard, pour qui toute autre réponse que la foi divine est insuffisante s'agissant de "l'objet secondaire de l'infaillibilité". En ce sens, vous êtes fondé à qualifier la solution de Péréfixe de "cercle carré".

    Je me permets néanmoins de signaler que le magistère récent (en particulier avec le motu proprio Ad tuendam fidem de 1998 et sa "Note explicative") a laissé la question ouverte et n'a pas adopté la solution "maximaliste", si satisfaisante qu'elle puisse être pour l'esprit.

    Tout fidèle doit en tout cas "rejeter et condamner comme hérétique le sens du livre de Jansénius contenu dans les cinq propositions", et ce "non seulement de bouche mais de cœur" (bulle Vineam Domini de Clément XI, Denz.-Schön. 2390).

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  3. Quoi qu'il en soit, "L'IMITATION DE JESUS-CHRIST", bien antérieure au livre de Jansénius, tant recomandée et vantée dans les séminaires et pour l'édification populaire jusque dans les années 1960, recommandait dès ses premières pages une obéissance aveugle aux supérieurs, préférable aux errances de nos jugements privés, obéissance dont la mouvance tradi a l'air de faire bien peu de cas. Le seul ennui est que le même ouvrage recommandait "le mépris de soi" et prétendait que le christ en a fait preuve. Je ne sais pas où ledit ouvrage a pris cela! Quant à l'obéissance, l'un des trois voeux du religieux auquel les prêtres de la mouvance dite intégriste manque cruellement et à laquelle elle sacrifie au gré de son bon vouloir, il faut reconnaître que c'est une vertu bien difficile. Les jansénistes, à la réhabilitation desquels l'abbé de tanoüarn participe en bonne logique; les jansénistes comme ceux qui, plus tard, seront taxés d'"intégristes" sans qu'il soit décidé si leur mouvement est un prolongement du jansénisme, ont en commun d'avoir voulu se faire plus papistes que le pape. Et papistes contre le pape. L'ironie de l'histoire est que, dans leur fidélité au concile interrompu de vatican I, les "intégristes" ont voulu défendre de foi l'infaillibilité du pape en ne cessant de la nier de fait, puisqu'ils contestent tout magistère dont les conclusions ne vont pas dans leur sens. Voilà l'un des multiples paradoxes dont l'hommerie est pétrie. Jusqu'à celui-ci que notre culture (et non l'Eglise) a fait de Pascal un docteur de l'Eglise! Notre culture aime Pascal et "les lumières", pas les pères de l'Eglise, pourquoi diable? Domine, fac salvam rem publicam!

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