samedi 7 mai 2011

La laïcité au Centre Saint Paul

Au Centre Saint Paul, samedi 14 mai 2011, de 14H30 à 18H00: "Dieu et César: quelle laïcité?" - Conférences - PAF

Le Frère Thierry, toujours dynamique et entreprenant,nous offre une nouvelle après midi de réflexion, le samedi 14 mai prochain au Centre Saint Paul de 14 H 30 à 18 H. Au programme, les derniers développements de la question laïque (le Coran est-il compatible avec la laïcité ? par Alain Wagner), le rapport entre laïcité et christianisme par Antoine Assaf, une réflexion fondamentale sur "la colonne du Temple" comme disait le président Chirac, c'est-à-dire sur la loi de 1905 par le frère Thierry lui-même, qui sort de sa réserve et que nous entendrons pour la première fois. Quant à moi j'essaierai quelque chose sur la liberté religieuse : Est-il encore possible d'être opposé à la liberté religieuse ?

Nonobstant le sérieux inhérent à ce genre de colloque, je crois vraiment que l'on va bien s'amuser.

Je voudrais en profiter pour dire quelques mots sur ma manière de concevoir la laïcité.

J'aime à dire qu'en tant que docteur en philosophie, ma démarche culturelle est purement laïque... Il me semble qe ce genre d'affirmation, qui doit faire horreur à une bonne moitié de mes lecteurs, peut faire saillir une question simple : mais qu'est-ce que la laïcité ?

Le principal problème de la laïcité, c'est que c'est un concept récent. En 1908, Ferdinand Buisson, théoricien du laïcisme républicain, expliquait encore qu'il s'agissait d'un néologisme, dont on peut dater l'apparition dans la langue politique des années 1870. Autant le mot "laïc" est un vieux mot ecclésiastique, pour désigner tout ce qui n'est pas clérical, autantle mot laïcité, d'invention récente, n'a pas un contenu très défini.

Aujourd'hui et en ce moment, à Carrière sous Poissy, le Maire plante un "arbre de la laïcité". C'est un petit fait : il est significatif. Autrefois en France, on a planté des arbres de la liberté, pour matérialiser et symboliser l'espérance de tout un peuple.En 1848, le futur cardinal Pie, alors vicaire général du diocèse de Chartres, qui sera le type même de l'évêque intransigeant,avait fait un discours pour bénir l'arbre de la liberté... Il démontrait par là que quelles que soient ses positions sur le rôle de l'Eglise dans la société et sur le rapport de l'Eglise et de l'Etat, il estimait que l'on pouvauit "bénir la liberté". Pourrait-on aujourd'hui bénir la laïcité ?

Mais qu'est-ce que la laïcité ? Un concept à géométrie variable, un mot nouveau et encore mal défini. Je distinguerai pour lors trois significations : il y a une laïcité antichrétienne, une laïcité chrétienne et ce que j'appelle une laïcité émergente.

Laïcité antichrétienne : à la fin du XIXème siècle, l'Eglise a retrouvé un rôle très important dans la société, à travers ses oeuvres (enseignement, santé, aide multiforme aux marginaux), tout en abandonnant clairement le pouvoir politique à lui-même. L'enseignement de Léon XIII a tenté de prolongé cette vision du Concordat, selon laquelle le prêtre est rémunéré par l'Etat parce que l'Eglise a un rôle social clair. Alors que le pape ordonne aux catholiques d'adhérer clairement à la République, la République est de plus en plus ouvertement persécutrice des catholiques. Elle entend récupérer à son profit l'enseignement d'abord, sur lequel elle réclamera très vite un monopole, puis toutes les oeuvres sociales, portées par les Congrégations dont on déclarera que leur présence en France est illégale. Enfin, par la loi sur les associations (1901) et la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905), l'Etat radical-socialiste a entrepris de donner un nouveau statut non seulment aux Congrégations mais à l'Eglise tout entière. Au lieu de la considérer comme une Institution publique, elle devient une simple association privée, parmi d'autres, et, pour faire bonne mesure, sa structure monarchique doit évoluer : association d'associations, elle devra élire des Bureaux, les Bureaux devront élire des présidents. Bref l'antique constitution divine de l'Eglise, monarchique, est reléguée à une fonction de decorum, le pouvoir réel devant revenir à des élus. On sait que saint Pie X refusa cette solution et que de 1905 à 1923, il y eut une véritable zone de non-droit, dont le pape profita pour nommer des évêques sans l'aval de l'Etat (impossible sous le régime du Concordat). La querelle entre l'Eglise et l'Etat prit fin en 1923 : le nonce Cerretti proposa que les présidents d'associations cultuelles diocésaines soient statutairement les évêques, ce qui équivalait pour l'Etat à une reconnaissance de fait de la structure de l'Eglise.

L'accord de 1923 a marqué la fin du laïcisme agressif. Mais la France est le seul pays en Europe qui sera durablement marqué par une tradition laïque forte, interdisant à l'Eglise tout rôle social. Viviani, qui fut président du Conseil, s'écria en 1908, lyrique : "Nous avons éteint des étoiles au ciel, qui ne se rallumeront jamais". Meme si, entre 1923 et 1960, l'Eglise retrouve un certain rôle social, l'idéologie laïque est là, pour interdire au christianisme l'accès à la sphère sociale. L'Eglise doit devenir une dénomination religieuse parmi d'autres. La décatholicisation de l'identité française est en marche.

Sous Pie XI, l'Eglise avait réagi en créant son propre monde, ses propres oeuvres, une sorte de contre société, où tout était catholique : le sport, les camps de jeunes, l'enseignement, le syndicalisme, les romans, la philosophie etc. Cette "Eglise forteresse" a semblé insupportable aux protagonistes du concile Vatican II. La crise des vocations aidant, on a tout bazardé... Aujourd'hui l'Eglise en France est devenue ce que les Viviani, les Buisson, les Combes, les Waldeck Rousseau souhaitaient qu'elle soit : une simple association, qui a de plus en plus de mal à boucler son budget et à trouver des adhérents.

A la prochaine fois pour la conception chrétienne de la laïcité !

6 commentaires:

  1. Certes: l'Eglise a été une contre-société qui s'est effondrée.

    On peut en dir0 autant du Parti Communiste Français qui était véritablement une contre-société qui tentait de faire une petite URSS (JC, colonies de vacances,culture sous toutes ses formes, mouvements divers : MODEF pour les agriculteurs etc...). Tout cela n'était d'alleurs pas mauvais, il y avait eaucoup d'abnégation chez les militants. Mais tout s'est effondré car la société avait changé.

    Je me souviens que dans ma jeunesse il y avait une Semaine des intellectuels catholiques et une semaine de la pensée marxistes (on y rencontrait les mêmes personnes).

    Inutile de ressusciter les patronages ou les ciné-clubs : cela ne prendra pas ; les gamins des années 2011 ne sont pas ceux des années 1960 (ils ne sont adeptes ni de Marx ni de Jésus mais des jeux éléctroniques).

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  2. J'avoue que comprendre les termes "sacré" et "profane", "laic" ou encore "clérical" m'est aisé, mais laïcité... Cela sent parfois le souffre, souvent la bêtise et ressemble à une sorte de "protection anti religieuse". On devrait peut-être dire Laïcitude !
    Clément d'Aubier (pseudo de rêverie)

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  3. Je veux préciser ma pensée. Ce n'est pas Vatican II qui a fait s'effondrer l'Eglise, pas plus que ce n'est la fin de l'URSS qui a fait s'effondrer le PCF.

    C'est le monde qui a changé.

    J'en ai souvent parlé avec d'anciens militants cocos ou cathos devenus anticommunistes ou laîques forcenés. Ils sont restés malgré tout sans le dire nostalgiques mais ils ont compris que leurs anciens idéaux sont morts et que l'on ne reviendra pas en arrière.

    Ceci dit chapeau pour ces militants catholiques, communistes, socialistes, scouts, éclaireurs, sportifs, artistiques (que sont nos fanfares devenues) qui ont donné gratuitement de leur temps pour éduquer la jeunesse et spécialement les enfants des milieux défavorisés et nous rendre un peu meilleurs et plus généreux.

    Je ne sais s'ils ont réussi mais à tous un grand merci.

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  4. je refuse tout éloge en tant qu'ex militant "faux catholique" et "communiste" (mais d'un communisme anti léniniste, heureusement!) ...Nous avons été trompés( "floués" disait déjà la mère Beauvoir à la fin de ses "mémoires"...) et avons joui d'être trompés,c a rla "carrière"dans laquelle nous nous sommes lancés satisfaisent pleinemnt norte propre ego , et les démangeaisons d enos orielels eczémateurses friandes de totues novueautes...
    Je prie pour ceux qui nous ont trompé et pleure ma connerie abusée... pas tant parce que j'ai gâché ma vie (encore que ) que parce que je n'ai pas oeuvré à la gloire de Dieu, contrairement à ce que je croyais.
    Idiot...inutile ...Serviteur(de Satan ) inutile ...à Dieu ..C'est ainsi ...
    Le "monde" au sens johannique, lui, ne change pas...c'est à lui que l'Eglise Corps Mystique est confrontée (là du moins où elle n'a pas cédé..peut-être seulement dans l'Eglise triomphante et souffrante, car la militante on la cherche !)
    l'aspect "social" ("contre social" , dit l'un, quand le social est devenu depuis longtemps du "dyssocial" dixit Marcel de Corte !) ests econdaire...
    Cela dit, je pourrai cité tel patronage en milieu populaire passé en quelques mois de 30 à 80 enfants (et qui aurait perduré sans une campagne de calomnie du journal "La Croix" -le bien nommé, quelle plaie !- et un retrait de personnel du Cardinal 22 v'la les flics..
    le patronage s'est exilé ailleurs et y fleurit... pour le salut des âmes et la joie de tous ...
    j'ai connu aussi des collèges de zone de banlieue, parmi les pires, où les élèves réclamaient du Reverdy ou du Camoens en 3ème ...
    Encore faut-il proposer !!!

    Je rends grâces à Dieu d 'une chose : les "militants révolutionnaires" qu'ils soient staliniens, mao, trotz, anars, ultra gauche , situs ou conciliaires néo-modernistes ) m'ont appris le sérieux du travail militant...et je puis ainsi, 50 ans après, et malgré l'âge venant mettre l'énergie ainsi déployée au service du Dieu Très Doux ...
    j'ai malheureusement parfois le sentiment de vivre dans un monde de "moules" ,à droite ...

    Anecdote: j'ai récemment demandé aux organisateurs d'un certain cortège de me fournir des tracts argumentés, historiques, approfondis, sur le personnage qu'ils voulaient honorer, le tract proposé étant purement "publicitaire". Je comptais le mettre dans les 500 boîtes aux lettres de mon quartier, comme je le fais depuis dix ans....Mais ils m'ont dit que c'était trop difficile. Typique du mépris pour les gens ordinaires, qui sont très capables de s'intéresser à un tract approfondi s'il est pédagogique et bien présenté..Mais c'est trop demander aux contre révolutionnaires... aussi" quantitatifs" que leurs homologues électoralistes ripoublicains...

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  5. Evidemment, il est ridicule de vouloir refaire l'histoire, mais je n'ai jamais pu m'empêcher de penser que si, bien que la révolution française ait été faite en grande partie contre elle, l'eglise avait su saisir l'opportunité qui se cachait derrière la constitution civile du clergé au lieu de la considérer comme une insupportable atteinte au cléricalisme, elle fût revenue à ses fondamentaux; il n'eût pas été possible de vouloir lui imposer en 1905 de devenir une association comme les autres comme elle est finalement devenue (d'ailleurs, toute la seconde partie de la loi de 1901 sur les associations est explicitement rédigée contre les congrégations); on n'eût pas été en mesure de détruire sa structure monarchique ou pyramidale; l'eglise enfin n'eût pas été tentée, au lieu de continuer à "aller dans le monde", de se faire son propre monde et se poser en contre société, tentation qui gagna le cardinal Lustiger lui-même à la fin de son épiscopat. Que proposait en effet l'assemblée constituante à travers la constitution civile du clergé? Que les fidèles élisent leurs évêques, comme aux premiers temps, aux temps patristiques de l'Eglise! Certes, il eût pu se glisser dans ce corps électoral quelques éléments hostiles ou étrangers à la foi catholique, comme il pourra se glisser des éléments droitiers dans les élections primaires du Parti socialiste, mais des garde-fous auraient très bien pu être aménagés par la suite. Pour qu'on en vînt là, il aurait fallu que l'on eût l'élasticité intellectuelle de ne pas considérer que le renversement d'un régime, qui avait ses abus, portait nécessairement avec lui le renversement de l'ordre spirituel sur lequel celui-ci s'appuyait. L'évêque fût redevenu ce qu'il avait été jadis, avant la corruption introduite par les "bénéfices éclésiastiques", la désignation de l'évêque par le roi et le monopole de cette désignation réservé aux familles de la haute noblesse: il fût redevenu l'élu d'une "monarchie élective", plus ou moins inamovible. Ce qui fait beaucoup de tort à "la monarchie de monarchies" que vous voudriez voir restaurée dans l'eglise à juste titre, c'est cette perte du sens de l'inamovibilité au nom d'un "bougisme" systématique, comme si tous les curés avaient vocation à devenir missionnaires. Par parenthèses, c'est cette perte du sens de l'inamovibilité qui a fait exploser la fraternité saint-Pi x. Quant au soutien que Maurras apportait aux associations et qui dépassait largement les corporations, il me paraît avoir servi, de manière marginale, mais délétère, la désorganisation désorganiciste d'une société dans laquelle l'association se révèle être un dérivatif dissociatif du lien social et de l'etat.

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  6. Avec tous mes souhaîts de réussîte, à Frère Thierry, à M. l'abbé GdT et aux autres intervenants, pour cette après-midi du 14: les sujets ne sont pas mînces et la barre est placée haut, ce qui n'étonnera personne.
    (et merci pour l'extraordinaîre "synoptique général" reçu par listmaster)

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