lundi 2 mars 2015

La paix entre les catholiques

Il ne faudra pas oublier le pontificat de Benoît XVI, qui a été celui de la paix entre les catholiques. Interrogé par Christophe Geffroy dans La Nef, je propose (ce n'est pas d'une originalité folle mais c'est sans doute plus compliqué à réaliser qu'il n'y paraît) de réaliser que la foi chrétienne et universelle est notre seul bien commun... L'unité des catholiques? C'est la foi... et donc la charité! Voyez l'article sur le site lanef.net 
"Nous vivons dans un monde en profonde mutation, un monde qui s’écroule à bien des égards avec toutes les incertitudes et les peurs légitimes qu’un tel mouvement fait naître. Dans ce contexte, où en sont les « cathos » aujourd’hui en France ? C’est la question que nous avons posée à deux personnalités du monde de la presse catholique, Jean-Pierre Denis, directeur de La Vie, et l’abbé Guillaume de Tanoüarn, rédacteur en chef de Monde & Vie.

La plus belle chose que nous devions au pontificat de Benoît XVI me semble être, de la part de ce Pontife, s’impliquant personnellement et profondément, une politique suivie en faveur de l’unité des catholiques. C’est évidemment du côté de la Fraternité Saint-Pie X que les avances du pape Benoît ont été les plus constantes. On ne peut pas dire d’ailleurs que les succès aient été tangibles. Mais les risques pris par le Pasteur universel pour réintégrer les évêques sacrés sans l’accord de Rome ont touché profondément – j’en suis témoin dans mon ministère – beaucoup de personnes qui s’habituaient à vivre sans Rome.

Par ailleurs, je crois que, outre la rencontre très médiatisée du pape Benoît avec le théologien Hans Küng, l’autre aile, l’aile dite progressiste, a pu apprécier, chez ce Pontife, une manière radicale de poser les problèmes qui rejoignait sa préoccupation pour l’avenir de l’Église. Certes Benoît XVI avait montré qu’il n’était pas de « leur bord », depuis le début des années 70, où lui, le talentueux expert théologien du cardinal Frings au concile, avait refusé de continuer à participer à la revue Concilium. Mais en même temps, il avait une manière de parler du concile qui n’immobilisait pas l’Église dans des positions « conciliaires » arrêtées pour les siècles des siècles. Il ne fermait pas les portes à un questionnement plus profond : « Vatican II a ouvert des pistes », expliquait-il en 2000 à Paolo d’Arcis, l’athée médiatique qui l’interrogeait sur le concile.

Mais allons au-delà de la personnalité rayonnante et complexe du pape Benoît : je pense que ce qui, aujourd’hui, permet aux catholiques de toutes tendances de se respecter les uns les autres, c’est le constat de radicalité qu’ils font et refont, bien obligés, à propos de la crise spirituelle que traverse le monde contemporain. Lorsque tout paraît mis en cause, les défenseurs de la foi peuvent-ils se disputer entre eux ou bien doivent-ils, toutes affaires cessantes, faire face avec leurs moyens propres, au désert spirituel qui avance toujours ? Cette mise en question de l’essentiel permet aux catholiques (c’est un effet collatéral bon) d’en retrouver eux-mêmes le sens et de comprendre qu’au-dessus du choix légitime de formes religieuses, il y a la foi.

Notre essentiel, notre bien commun, au-delà des questions de formes liturgiques, de méthode catéchétique et d’appréhension pastorale des problèmes, c’est la foi : non pas la foi comme idéologie, mais la foi comme grâce et comme ouverture du cœur. J’ai écrit dans le passé que l’Église conciliaire avait changé la religion. Mais justement : il faut distinguer la religion avec ses formes et la foi. Qu’il y ait des différences religieuses entre chrétiens catholiques de différentes obédiences (pour parler de Paris disons de Saint-Merry à Saint-Nicolas du Chardonnet), c’est un fait. Pour l’Église, cela peut devenir une faiblesse, si c’est l’occasion de divisions intestines, mais c’est une force si cela conduit à multiplier l’offre pour mieux créer la demande. Faut-il employer ce langage du Grand marché mondialisé, alors que l’on traite de choses si hautes ? Ce langage est métaphorique. Je pense que, dans la crise actuelle, l’Église doit utiliser tous les moyens pour chercher les brebis perdues (qui sont plus nombreuses que celles qui restent sagement dans le troupeau).

Comme le disait le pape Benoît XV, en 1914, dans l’encyclique Ad Beatissimi, « la Foi catholique est d’une nature telle, qu’on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher : ou on la possède tout entière, ou on ne la possède pas du tout ». Et c’est en s’appuyant sur cette remarque que ce pape, appelant à l’unité des catholiques avec la diversité de leurs opinions, insistait pour que l’on n’ajoutât rien aux deux mots de chrétien, catholique : « Chrétien est mon nom et catholique mon prénom. » L’unité de l’Église n’est pas humaine, elle est surnaturelle, elle est divine : ne mettons pas en avant les prétextes humains de la division, laissons faire en nous la grâce de l’unité.

Dernier point : il faut reconnaître que le grand projet révolutionnaire, porté après le concile par beaucoup des tenants de Vatican II, a échoué. La nouvelle Pentecôte annoncée par Jean XXIII n’a pas eu lieu. Après cet échec, la réforme de l’Église (ou les réformes dans l’Église) ne peut plus représenter le même enjeu quasi-prophétique. Chacun sait bien que les obstacles seront de plus en plus importants dans la marche de l’Épouse du Christ vers son Seigneur. Chacun a sa manière de les contourner ? Du moment que la foi est sauve…

Abbé Guillaume de Tanoüarn"

8 commentaires:

  1. J'ai eu l'occasion de pousser ce cri d'amour auprès du curé pour qui j'ai l'honneur de tenir quelquefois les orgues. Comme je lui disais qu'il était théologiquement moderne et moralement classique alors que j'étais, moi, théologiquement classique et moralement moderne, comme alors nous cherchions s'il était ou si j'étais un catholique de droite ou un catholique de gauche, j'ai lancé:
    "J'aime tous les catholiques."
    Ce n'es pas vraiment de la charité, mais cela correspond au fait d'aimer les membres de sa famille et si'l faut y introduire de la charité, c'est certainement ce qu'on appelle la communion dans la charité, celle-là même que Benoît XVI proposait à la FSSPX de réintégrer.
    Je crois qu'il est un peu facile de dire que le désert spirituel avance de nos jours. C'est plat comme toutes les formules qui commencent par où"dans un monde" et continuent dans des déplorations avec larmes de crocodile et sac en croco pour les dames. Vouloir qu'à tout moment ce qui doit nous réunir soit une situation de crise, c'est faire de "l'esprit du 7 janvier" sans le savoir, c'est miser sur le malheur des temps pour se poser en sauveur de l'humanité. Que la prédiction de Malraux soit de première main ou plus probablement apocriphe, le XXIème siècle dans lequel nous entrons est religieux à défaut d'être spirituel, mais l'un ne va pas sans l'autre, et je préfère un siècle religieux à un siècle nihiliste. Le nihilisme peut retrouver le chemin qui sépare les ténèbres de la lumière, mais la religion apporte à l'Esprit l'assise et les fondations qui lui sont nécessaires. Le nihiliste sera individuellement mystique, le concours des hommes religieux deviendra naturellement spirituel.

    Reste ce pourquoi je ne vous ai jamais quitté: cette certitude que je partage avec vous en aimant tous les catholiques que nos différences de religion dans l'Eglise sont sauvées par la foi. ON me chicanera peut-être que des gens qui sont restés d'une théologie classique ne sauraient avoir la même foi que des immanentistes évolutionistes croyant à peine en la résurrection du Christ et en la leur. Or je tiens qu e c'est l'Eglise, cette eglise où l'on vit par la communion dans la charité, qui maintien l'unité de la foi par-delà les hérésies de ses membres. Elle en maintient l'unité et jusqu'ici l'orthodoxie, car Rome n'a jamais erré dans la foi, si certaines autorités romaines ou certains clercs ont pu perdre la foi.

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    1. Je me demande si la Foi dont vous parlez est grande “comme un grain de sénevé”... Il me semble que si cela était le cas, les choses seraient bien différentes...

      En fait, il y a deux “foi”. Il y a la foi sentimentale, qui est au dessous de la raison. Jung, par exemple, avait peut-être cette foi là. Et puis aussi ceux qui ont foi dans l'Athéisme, dans la Science, dans la Démocratie, dans tout ce que vous voulez... dans la Vie... dans l'Humanité... dans la Liberté... C'est l'unité par la Foi... car s’'il s'agit uniquement de déclamations sentimentales, tout cela ce vaut en effet... Cela ne ressemble-t-il pas à une sorte de relativisme ?

      Mais il y a aussi la “Vraie Foi”, qui est au-dessus de la raison, et que ne possède pas tout un chacun, comme nous l’a dit Notre-Seigneur lui même… On la rapporte au coeur, c’est à dire au centre de l’être, et c’est par elle que sont perçues d’une certaine manière les choses de l’ordre divin. Il ne suffit pas de déclamer le Credo avec conviction pour la posséder.

      En outre, la “Vraie Foi”, les chrétiens, fussent-ils catholiques, n’en ont certes pas le monopole.

      Je doute que les déclamations sentimentales puissent arranger quoi que ce soit.

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  2. "la Foi catholique est d’une nature telle, qu’on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher" C'est le credo du croyant . Sauf que l’orgueil ou la vanité fait que certains la dénature en y ajoutant une pincée personnelle qui ne fera pas l'unanimité et entraînera d'autres personnalisations pas plus heureuses .
    Où est passée l'humilité?:
    Vous citez Jean Pierre Denis , Il y a peu son nom était cité en revue de presse de France Inter pour un témoignage anti-sémite du monde catholique où il aurait évoqué dans son hebdomadaire avoir été "éffaré des propos antisémites prononcés devant lui à Rome par un Cardinal et un Théologien " Voilà qui apporte du grain à moudre aux ennemis de la religion catholique et permet un peu de publicité sur un média du service public .
    Ce monsieur ne sait pas qu'il vaut mieux laver son linge sale en famille.
    Surtout quand on risque d'aggraver la situation des siens en d'autres endroits comme à ...Jérusalem par exemple .
    J'ai parlé de pincée personnelle , erreur j'ai voulu dire nombril .

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  3. D'abord, merci.
    Ensuite, en ruminant: "notre essentiel, notre bien commun, c'est la foi: non pas la foi comme idéologie, mais la foi comme grâce et comme ouverture du coeur". Mais l'amitié avec des musulmans , ou avec des athées, me donne souvent à penser que nous partageons la même " foi" - comme "grâce et ouverture du coeur". Cette "foi" que le Christ percevait chez bien des mécréants. Alors, ce qui nous fait cathos, chrétiens ? Je me dis que c'est à la fois cette foi qui est la vie de l'Esprit, ET, précisément, la figure du Christ, que nous ne cessons de scruter, et en qui nous mettons, nous, notre foi. Sans doute la figure du Christ nous renvoie-t-elle sans cesse au-delà d'elle-même: au Père que nul n' a jamais vu, aux frères et soeurs, à l'Esprit qui nous rend vivants... Mais je crois que la figure du Christ reste toujours le point d'ancrage, non pas notre prropriété, mais notre point de passage permanent (Jn, 10, 19) ... Bien à vous

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  4. J'aime ce qui réunit l'Abbé GTN et Julien: la foi notre essentiel et l'unité de L'Eglise qui est surnaturelle et nous réunit, malgré nos divergences..... frôlant parfois l'hérésie., précise Julien.
    Maintenant que faire quand on sent chez certains dignitaires des doutes sur la foi, une mise en veilleuse de leur foi par exemple sur Résurrection? ( Doutes auxquels j'ai personnellement une fois assisté à Vézelay en 1995
    Expriment -ils nos doutes refoulés ou notre manque de foi ? . Est-ce un appel de leur part pour que par "substitution" , nous faisons rejaillir la notre, les aidant la retrouver?
    Est-ce le combat de l'abbé Chevance contre l'Abbé Cénabre, du roman de Bernanos ou plus simplement de Chantal ? N'est-il jamais terminé ?

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  5. La Foi est vécu par chacun dans sa conscience et dans son être,la nostalgie de l'ancien temps n'apporte rien à ceux et celles qui ont la Foi,elle ne fait qu'entretenir le feu de la discorde,alors aimez votre prochain comme vous même voila l'essentiel et ce qui manque manifestement le plus aujourd'hui.

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  6. Benoît XVI : sympa! Mais pourquoi a-t-il coincé au dernier moment et cédé la place au redoutable François? Nous aurions dû nous méfier quand il a pris le nom de Benoît XVI en hommage à Benoît XV dont Anthony Burgess, cité par Yves Chiron dans son "Benoît XV", disait : "Benoît XV, ce grand prélat pacifique que ni les Allemands ni les Alliés ne voulaient écouter, Giacomo Della Chiesa, Jacques de l'Eglise, homme de loi, diplomate, et aussi financier déplorable dont l'aide prodigue aux nécessiteux avait mis les comptes en rouge". Merci, en tout cas, pour Summorum Pontificum.

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  7. MAG2T, tout cela est très bien et (mais) très catholique. Votre conception de Dieu, de la Foi, de la Charité est bien évidemment catholique et il ne peut en être autrement. Je voudrais juste faire remarquer que d’autres religions non christianisées (ou soi-disant christianisées !!) peuvent avoir (et ont) une toute autre conception de Dieu, une toute autre mystique. Je répondrai uniquement sur ce thème car ce qui se passe dans le monde aujourd’hui vaut bien qu’on s’y arrête un instant.
    « L'argent, qui possède la qualité de pouvoir tout acheter et de s'approprier tous les objets, est par conséquent l'objet dont la possession est la plus éminente de toutes. Universalité de sa qualité est la toute-puissance de son être ; il est donc considéré comme l'être tout-puissant ». Cette citation, ô combien véridique prouve bien que l’argent peut être confondu avec l’être suprême (donc avec Dieu) et que tout un peuple peut vouloir l’adorer er le servir avec grande foi.
    Si l’on peut écrire sur ses billets de banque : « in God we trust » c’est parce que cet objet est un objet de culte qui porte vers l’infini de la puissance divine. Ce Dieu-là, s’il n’est rien pour nous, pour eux, il est Tout. Donc c’est avec foi et vénération qu’ils conquerront le monde et l’argent. Ils adoreront une « toute puissance », un « Kaïros »diraient les Grecs.
    Ci-dessous le témoignage de John Hein du Kansas qui après avoir eu une vision de la vierge, a été miraculé :
    «… Vous savez, avant, j’allais à la messe le dimanche, comme tout le monde…. Dieu n’avait pas une importance capitale. C’était l’argent qui était capital et j’avais toujours placé l’argent avant Dieu. Ma vie n’a été qu’une course permanente après l’argent. C’est vrai, je suis devenu très riche avec mes deux compagnies. Je les ai fondé en 1950. J’adorais l’argent, je courais après l’argent, j’étais occupé par l’argent…. » La dernière phrase est capitale : j’adorais, je courais… car à l’échelle d’un peuple, c’est la poursuite sans fin après toutes les richesses de la terre en écrasant tout sur son passage. Dieu est à la fois moyen et but, conquête et cible jamais atteinte. Leur liberté, c’est leur puissance, à l’opposé de la nôtre qui est humilité devant Dieu. Allez comprendre !

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